Le Met Gala 2025 célèbre l’élégance noire comme acte de résistance
Écrit par Anaïs TIVERNÉ
Édité par Bianca SIMARD
En 2025, le Metropolitan Museum of Art, par l’intermédiaire du Costume Institute, met à l’honneur une facette longtemps marginalisée de l’histoire de la mode: le dandysme noir. Intitulée Superfine: Tailoring Black Style, l’exposition et son événement phare, le Met Gala explore le pouvoir du costume dans la construction de l’identité noire, entre élégance, affirmation et subversion.
Ce thème s'inscrit dans une continuité historique où le vêtement, plus qu’un outil de distinction esthétique, devient un véritable langage politique. Dans des contextes marqués par l’exclusion raciale et sociale, le tailoring noir a servi de stratégie de visibilité, de résistance et de réappropriation des codes dominants.
Le dandysme noir: élégance et affirmation de soi
Loin d’être une simple coquetterie vestimentaire, le dandysme noir est apparu dès le XVIIIe siècle comme un geste d’émancipation. À l’image de Julius Soubise, ancien esclave devenu icône de mode dans le Londres georgien, certaines figures ont su détourner les attributs de l’élite européenne pour affirmer leur dignité et leur singularité dans des sociétés qui les marginalisaient. Cette réflexion est brillamment développée dans l’ouvrage Slaves to Fashion de Monica L. Miller, qui constitue une source majeure pour l’exposition.
De la Sape au costume queer: un héritage vivant
Le dandysme noir ne se limite pas à une époque révolue. Il s’exprime aujourd’hui à travers des mouvements comme la Sape congolaise, dont les membres arborent des tenues sophistiquées comme forme de prestige personnel et de contestation sociale. On le retrouve aussi dans les performances artistiques, les tapis rouges et les communautés queer qui déconstruisent les normes de genre par le vêtement.
Des figures comme Pharrell Williams, Billy Porter, Janelle Monáe ou Zendaya réinterprètent le tailoring comme espace de liberté et d’expérimentation. Le costume devient alors un outil de storytelling, mêlant héritage, créativité et insoumission.
Trois créateurs qui redéfinissent le costume
Grace Wales Bonner – Britannique d’origine jamaïcaine, elle mêle traditions sartoriales européennes et esthétiques panafricaines. Ses collections évoquent une forme de tailoring spirituel, presque liturgique, à travers des coupes sobres et un discours sur la mémoire diasporique.
Telfar Clemens – Libérien-américain et queer, il propose un tailoring non-genré et inclusif. Son emblématique sac "Telfar" est devenu un symbole de luxe démocratique et communautaire.
Olivier Rousteing – Directeur artistique de Balmain, il magnifie les corps racisés avec des tailleurs aux lignes sculpturales. Il signe aussi le look de Rosalía, sobre et conceptuel, inspiré des mannequins de couture, avec une machine à coudre en métal en guise d’accessoire.
Les looks forts de la montée des marches
Doja Cat (Marc Jacobs) : une silhouette sculpturale inspirée des années 1980, entre félin et féroce.
J Balvin : un costume rose trois-pièces avec chapeau western, alliance de couture classique et esthétique cowboy.
Tracee Ellis Ross : color-block maîtrisé et tailoring dramatique, sublimé par une jupe en satin nouée.
Zendaya (Louis Vuitton): hommage à Diana Ross dans Mahogany, entre glam seventies et hommage cinématographique.
Doechii : inspirée par Julius Ubis, personnage central du livre de Monica L. Miller, elle incarne la thématique avec précision.
Rihanna : veste de costume transformée en jupe nouée dans le dos, révélant sa dernière grossesse avec puissance et sensualité.
Dapper Dan : en Zoot Suit, référence historique au dandysme noir né dans Harlem et popularisé par les musiciens de jazz.
Vogue x eBay : une collaboration pour une mode durable
Cette année, le Met Gala a également marqué une étape importante dans la promotion de la mode circulaire grâce au partenariat entre Vogue et eBay. Présenté par eBay, le livestream de l'événement a mis en avant des pièces vintage et de seconde main portées par des célébrités, soulignant l'importance de la durabilité dans l'industrie de la mode.
Emma Chamberlain, correspondante pour Vogue, a arboré des bijoux et des lunettes vintage provenant d'eBay, démontrant que le luxe et la durabilité peuvent coexister.
Chappell Roan a fait ses débuts au Met Gala dans un ensemble conçu en collaboration avec le costumier Paul Tazewell et entièrement sourcé sur eBay, rendant hommage à l'ère disco et au tailoring flamboyant.
Détails que vous avez peut-être manqués
Spike Lee : hommage streetwear à son équipe préférée, les New York Knicks.
Olivier Rousteing : accessoire en forme de machine à coudre, clin d’œil au processus de création.
Mona Patel : colonne vertébrale en métal rappelant l’histoire esclavagiste liée au dandysme.
Shaboozey : associe ses Grillz en pierres de turquoises à sa tenue
Tessa Thompson : Accessoire à la main représentant une photo d’André Leon Talley.
ASAP Rocky : un parapluie personnalisé Briony Raymond recouvert de diamants 90 carats
Avec Superfine: Tailoring Black Style, le Costume Institute met en lumière une tradition stylistique faite de mémoire, de résilience et de réinvention. Le tailoring noir, déclenché par des figures historiques et transcendé par des créateurs contemporains, affirme sa puissance comme outil de revendication et d’expression. Un gala riche en symboles, en création, et en hommage à une esthétique longtemps mise en marge.